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Le Monde a interrogé à ce sujet Vadim Karassev, l'un des leaders du parti Ediny Centr (Centre uni), qui est également l'un des politologues les plus renommés d'Ukraine.
Que pensez-vous du traitement réservé à Ioulia Timochenko, que vous n'avez jamais épargnée lorsque vous conseilliez son ancien allié, le président Viktor Iouchtchenko ?
La multiplication des enquêtes contre elle ont pour objectif de démontrer qu'elle appartient au monde criminel. Je suis à 100 % contre sa détention. Elle est coupable politiquement, mais pas pénalement. Je suis aussi contre son exclusion du champ politique. Sans elle, la concurrence va s'affaiblir. En plus, l'emprisonnement stimule sa popularité, qui était basse. Elle appartient, comme Ianoukovitch, à une époque révolue, aux années 1990. Il faut du changement. J'aimerais que les institutions prévalent, au détriment des personnalités.
Les gens sont irrités par les profondes inégalités sociales, la confiscation des actifs par le clan de Donetsk, la réduction des dépenses publiques. Avant, un consensus populiste existait : on ne touchait pas aux retraites 55 ans pour les femmes, 60 ans pour les hommes , à la médecine et à l'éducation gratuite, aux transports très peu coûteux. Aujourd'hui, on assiste à un démontage de cet héritage socialiste. Mais pour faire cela, il faut lui substituer une entente libérale, un nouveau contrat social, qui garantirait les droits démocratiques et économiques. Ce n'est pas le cas, d'où les mouvements de protestation sociaux, comme celui des vétérans d'Afghanistan ou des liquidateurs de Tchernobyl. Ioulia, elle, aurait pu assurer ce consensus.
On a parfois du mal à saisir la logique politique du pouvoir
La stratégie du pouvoir consiste à le conserver au moins dix ans. A mettre la main sur les actifs et l'argent, à transformer l'Etat en société à l'actionnariat fermé. Pour cela, le régime voulait écarter Ioulia Timochenko du pouvoir, car c'est la seule concurrente. Avant, les conflits avaient lieu entre les forces orangistes et le Parti des régions [formation russophone de l'est du pays, à présent au pouvoir], voire entre les orangistes. Cela produisait une forte instabilité, mais cela permettait aussi de trouver des solutions politiques aux tensions sociales. Là, je m'attends à une profonde instabilité des élites et du peuple, à des soulèvements, voire à une révolution à l'issue incertaine.
Pour instaurer un régime autoritaire efficace, le président doit être un intermédiaire, un point d'équilibre entre les oligarques et le peuple. Il doit aussi trouver la juste position entre l'Union européenne et la Russie. Faute de charisme et d'idées, Ianoukovitch ne parvient ni à l'un ni à l'autre. En politique étrangère, la neutralité à laquelle il prétend revient à un isolement de l'Ukraine. Seule la Grande-Bretagne au XIXe siècle pouvait se permettre cette "neutralité" ! Quant aux oligarques, l'élite de Donetsk [ville industrielle de l'est russophone] veut les marchés et l'argent de l'Europe. Ils savent que Poutine leur prendra tout si on se soumet à Moscou.
Un dialogue de sourds s'est instauré entre Bruxelles et Kiev. Comme si les deux parlaient une langue différente
Je pense que l'accord d'association avec l'UE sera signé comme prévu en décembre. Mais l'UE ne comprend pas les motivations de Ianoukovitch contre Ioulia Timochenko. En 2009, elle avait signé un mauvais contrat gazier avec Poutine [pour lequel elle a été condamnée à sept ans de prison]. Son calcul était le suivant : en cas de victoire à la présidentielle [début 2010], elle pensait s'entendre avec Poutine, ou alors Ianoukovitch, élu président, serait dans le pétrin. Je suis sûr à 100 % que Ianoukovitch, s'il avait perdu cette élection, se serait retrouvé en prison à la place de Ioulia, sans que l'Europe ne proteste. C'était la grande crainte du clan de Donetsk.
Aujourd'hui, Ianoukovitch se dit : si je la libère, toutes les élites mécontentes vont se ranger derrière elle et je risque de perdre une nouvelle fois le pouvoir, comme en 2004 [lors de la révolution orange]. Il veut convaincre le monde que Ioulia est pro-poutinienne, ce qui est vrai, alors que lui serait pro-européen, ce qui est faux, sans qu'il soit pour autant pro-russe. Il faut aider Ianoukovitch à devenir européen.
Mais comment l'influencer ? Par le bâton ou la carotte ?
On ne peut le faire que par des arguments commerciaux. Et plus précisément, tout ce qui a trait à leurs intérêts personnels : leurs biens immobiliers en Occident, les services médicaux en Allemagne, les comptes offshore à Chypre et ailleurs, l'interdiction de visas
Il faut leur dire : avec tout ça, vous voulez gardez l'Ukraine dans un environnement soviétique ? Ianoukovitch comprend que la moitié des élites rejoindra l'opposition s'il signe l'entrée du pays dans l'Union douanière [Russie, Biélorussie et Kazakhstan].
On peut aussi peser sur Ianoukovitch dans la perspective de l'Euro 2012 de football [que l'Ukraine organisera avec la Pologne].
La croissance économique dépend beaucoup de cela, le pouvoir veut en faire un instrument de promotion. C'est le premier véritable projet européen de l'Ukraine. Les Européens peuvent menacer de ne pas venir.
Une crainte domine à Bruxelles : celle d'avoir perdu l'Ukraine, comme on a perdu la Biélorussie, qui est tombée dans une spirale répressive depuis un an
Loukachenko est le seul oligarque de Biélorussie. Tout remonte au maître. Or, l'élite ukrainienne, ce n'est pas seulement Ianoukovitch. En plus, une vraie opposition existe. Iatseniouk [économiste, ancien président du Parlement] a près de 15 % dans les sondages. Il y a aussi le parti de Ioulia, l'opposition régressive des communistes, les nationalistes Ce sont des forces sérieuses. Et puis, il y a le peuple. Dans toutes les élections organisées depuis 2002, l'opposition a toujours gagné. Si les prochaines législatives en 2012 étaient libres, ce serait à nouveau le cas.
L'Ukraine a plus de potentiel que la Roumanie, la Bulgarie ou la Grèce, qui appartiennent à l'UE. On n'a pas eu de Ceaucescu [l'ancien dictateur roumain]. On a une vraie industrie, contrairement à la Grèce. On pourrait devenir une excellente addition à l'Union. Je ne parle pas d'intégration, mais d'ancrage européen. Par contre, si on se soumet à Poutine, il y aura des soulèvements séparatistes à l'ouest de l'Ukraine.
Propos recueillis par Piotr Smolar